L’apparition d’une escarre est généralement pour la personne affectée le début d’un parcours de souffrance qui est parfois encore aggravé par une prise en charge inadéquate. Une escarre n’est pas «n’importe quelle plaie». Il s’agit d’une grave affection qui ne peut être maîtrisée que dans le cadre d’un concept thérapeutique systématique.
«De nombreuses escarres prennent des mois, voire des années, à guérir. Elles imposent donc un lourd fardeau au patient: des mois d’immobilisation, des douleurs, un risque de septicémie et un certain nombre d’autres complications entraînant une grave détresse physique et psychologique. Et on l’oublie aussi souvent: le personnel soignant éprouve également de la frustration lorsque leur établissement ne dispose pas d’un concept clair relativement aux escarres et des ressources nécessaires pour mettre en œuvre un tel concept», décrit le Prof. D. méd. Walter O. Seiler, consultant médical émérite de l’Hôpital universitaire de Bâle, connu pour son travail de recherche clinique fondamentale sur le thème des escarres.
La guérison d’une escarre s’étend souvent sur plusieurs mois et constitue un véritable défi chez les patients âgés qu’il est parfois impossible de résoudre. Et ceci tient notamment à la difficulté d’intégration de la complexité de l’apparition d’une escarre et de sa guérison chronique à des concepts thérapeutiques standardisés et facilement compréhensibles. La médecine et le secteur des soins sont plutôt mis au défi de développer un concept adapté à chaque patient qui permette d’intégrer au mieux sa pathologie et son style de vie. Il peut alors par exemple s’avérer utile de s’appuyer sur des principes thérapeutiques démontrés d’un point de vue pathophysiologique, à l’instar du «concept bâlois» qui repose sur les travaux de Walter O. Seiler. Pouvant être utilisé à la manière d’une liste de contrôle, il permet de s’assurer que rien n’est négligé et offre une approche systématique. Les principes thérapeutiques ont fait leurs preuves dans la pratique clinique et offrent des orientations fiables en matière de prise en charge ambulatoire et stationnaire.
- Décompression complète
- Débridement de nécroses
- Traitement de l’infection locale (le cas échéant de l’ostéomyélite et de la septicémie)
- Humidification permanente dans le traitement des plaies
- Détermination et le cas échéant application des options de chirurgie plastique
- Diagnostic de facteurs perturbateurs de la cicatrisation locaux et généraux
- entative d’obtention d’un état nutritionnel optimal
L’apparition des escarres – un phénomène multifactoriel
Une escarre est causée par une pression (également en combinaison avec des forces de cisaillement) exercée sur une zone localisée du corps, généralement sur des proéminences osseuses. Comme les couches supérieures de la peau (épiderme) sont constituées de couches de cellules kératinisantes très rigides et résistantes, sans irrigation sanguine ni innervation, elles peuvent supporter longtemps une pression élevée avant que des dommages évidents ne se produisent. On suppose donc que les dommages induits par la pression touchent d’abord les couches plus profondes comme les tissus musculaires et adipeux.
Cependant, outre le principal facteur de pression, il existe également une liste presque infinie de facteurs de risque à prendre en compte, chacun d’entre eux pouvant influencer l’apparition d’escarres de différentes manières. Il est donc utile de répartir les risques d’escarres en facteurs de risque primaires et secondaires.
Les facteurs de risque primaires influencent le degré de mobilité du patient et entraînent donc une prolongation de la pression associée à un risque. Le risque le plus élevé est associé à une immobilité complète ou totale, lorsqu’aucun mouvement spontané de soulagement de la pression n’est possible, par exemple en cas d’inconscience, d’anesthésie ou de paralysie complète. Une immobilité relative est aussi associée à un risque potentiel, car les mouvements spontanés sont plus ou moins limités, par exemple en raison de la sédation, de fractures, de douleurs intenses, d’hémiplégie ou de troubles de la sensibilité de causes diverses.
Les facteurs de risque secondaires comprennent toutes les affections et pathologies dans lesquelles la capacité fonctionnelle et la résistance de la peau sont atteintes, de sorte que des lésions peuvent apparaître avec des effets de pression de courte durée. Cela comprend, notamment, la fièvre (> 38 °C), les infections, la malnutrition, la cachexie, la peau mince, sèche et craquelée chez les personnes âgées, les affections cutanées ou la peau macérée et ramollie en cas d’incontinence.

Localisations d’escarres les plus fréquentes
Il peut se former une escarre à n’importe quel endroit du corps, selon l’endroit où la pression s’applique sur la peau. Toutefois, les escarres apparaissent de préférence au niveau des proéminences osseuses, qui sont moins capitonnées par le tissu adipeux sous-cutané. Environ 95% de toutes les escarres apparaissent à cinq endroits classiques.

A Escarre du sacrum
L’escarre dans la zone lombaire est probablement le site le plus fréquent. Il s’y exerce souvent des forces de cisaillement tangentielles.
B Escarre des talons
Apparaît en position couchée sur le dos. Tant l’escarre du sacrum que celle des talons peuvent être évitées de façon fiable avec une position inclinée de 30° à droite et à gauche (Seiler et al.).
C Escarre du trochanter
Apparaît dans la position latérale à 90°. Une position à 90° est très risquée et ne devrait plus être utilisée. La position la moins risquée est la position oblique à 30°.
D Escarre des chevilles
Apparaît dans la position latérale à 90°. Les chevilles latérales sont particulièrement exposées au risque d’escarre des chevilles. Comme les talons, elles doivent être protégées lors de la position oblique à 30° par un dégagement.
E Escarre ischiatique
Apparaît en position assise (chaise/fauteuil roulant). Dans ce cas, le patient peut être allongé, puisque dans cette position, les saillies des ischions ne sont plus soumises à la pression.
Classification internationale des escarres*

Catégorie I: Rougeur qui ne disparait pas à la pression
Sur la peau intacte, en général au niveau d’une proéminence osseuse

Catégorie IV: Perte cutanée ou tissulaire complète
Os, tendons, muscles exposés

Catégorie II: Atteinte partielle de la peau
Atteinte jusque dans le derme, prenant la forme d’une ulcération plane et ouverte

Catégorie supplémentaire: Inclassable
Profondeur inconnue, profondeur réelle masquée dans le lit de la plaie

Catégorie III: Perte complète de la peau
Destruction de toutes les couches cutanées, le tissu adipeux sous-cutané peut être visible, mais pas l’os

Catégorie supplémentaire: lésion tissulaire profonde soupçonnée
Profondeur inconnue, la douleur au niveau des tissus peut précéder
Principes généraux du traitement localisé des escarres
Le traitement et les soins prolongés des escarres relèvent généralement des
soins infirmiers spécialisés. Ceux-ci nécessitent des connaissances et des
compétences approfondies de la part du personnel soignant.
Une approche systématique selon les principes
thérapeutiques suivants est recommandée.
Une escarre est attribuable à un effet de pression durable sur la peau et les tissus musculaires et adipeux en profondeur. La mesure la plus importante dans tout traitement des escarres est donc une décompression complète pour améliorer ou rétablir la circulation sanguine dans les tissus dans la zone affectée. Sans décompression, il ne peut pas y avoir de guérison et toute autre mesure est inutile. La décompression doit être maintenue pendant toute la durée du traitement. Toute pression durable, même d’une durée de quelques minutes seulement, provoque de nouveaux dégâts et nuit au processus de guérison.
Alors que l’on considérait auparavant qu’une décompression suffisante pouvait être obtenue en changeant le patient de position entre la position oblique à 30° à droite et à gauche toutes les 2 heures, le Réseau allemand pour le développement de la qualité dans les soins infirmiers (Deutsche Netzwerk für Qualitätsentwicklung in der Pflege, DNQP) recommande une procédure flexible dans sa 1re mise à jour de 2010 du consensus d’experts «Prophylaxie des escarres dans les soins infirmiers». Les intervalles entre les promotions du mouvement ou les changements de position pour la décompression dépendent donc des éléments suivants:
- risque individuel d’escarres du patient,
- objectifs thérapeutiques et soins,
- possibilités individuelles,
- mouvement propre (encore présent) du patient et
- pathologies sous-jacentes et concomitantes.
Dans la pratique, cela signifie qu’un patient à risque élevé d’escarres doit être mobilisé à intervalles courts (à partir de 2 heures). La fréquence de promotion du mouvement ou de changement de position doit aussi être adaptée la nuit dans les situations de risques aigus. L’estimation de la fréquence nécessaire est toujours réalisée par le personnel soignant.
De plus, des aides pour soulager la pression comme des coussins de positionnement en mousse viscoélastique ou des matelas anti-escarres peuvent être utiles.
Les nécroses sont généralement éliminées. Les nécroses des talons sont la seule exception. Dans ce cas, le débridement n’est effectué que si l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs a été exclue au préalable, par exemple en déterminant soigneusement l’indice de pression tibio-brachial (ITB), ou si une chirurgie de recanalisation a été effectuée avec succès.
Le tissu nécrotique doit être excisé chirurgicalement le plus tôt possible, car l’infection peut passer inaperçue et se propager dans les profondeurs sous la nécrose. En raison de la douleur et des complications possibles, le débridement chirurgical doit être effectué par un médecin expérimenté, sous anesthésie adéquate, au bloc opératoire.
Si le débridement chirurgical n’est pas possible, la plaie doit être nettoyée aussi rapidement que possible en utilisant un traitement humide, avec une irrigation de la plaie et un détachement mécanique doux des nécroses.
Les complications fréquentes sont l’infection locale et la dermatite bactérienne. Si elles ne sont pas détectées à temps, les escarres peuvent évoluer vers une septicémie ou une ostéomyélite (aussi appelée ostéite = inflammation du tissu osseux [moelle]), qui passe inaperçue.
L’infection locale est généralement associée aux symptômes classiques: rougeur et hyperthermie des zones cutanées autour de l’ulcère, sensation de brûlure douloureuse à la base de l’ulcère et autour de la plaie, œdème au bord de l’ulcère et autour de la plaie, et limitation des mouvements. Sur le plan systémique, on peut s’attendre à une fièvre, à une leucocytose et à un taux accru de protéine C-réactive, encore que ces symptômes soient souvent absents chez les patients âgés. Un écouvillonnage profond de la plaie en vue d’une culture bactériologique est utile et permet une antibiothérapie ciblée en cas de septicémie.
* Directive de 2015 (mise à jour de 2018) de l’ICW relative aux escarres – avec l’aimable autorisation de l’association Initiative Chronische Wunden e.V.
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